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Avignon : restauration au sommet du palais des Papes

Plus grande construction médiévale d’Europe, le palais des Papes d’’Avignon s’’étend sur un domaine de 15 000 m2. Situé sur le rocher des Doms surplombant le Rhône, il a été construit au 14e siècle, quand la ville devint capitale de l’’Europe chrétienne ou « cité des Papes ». Le chantier de construction, qui a duré vingt ans, remonte à l’’époque où le pape Clément V, tournant le dos à Rome qui est confrontée aux troubles entre Guelfes et Gibelins, décide de s’’installer dans le Comtat Venaissin, territoire appartenant alors à la papauté. Rappelons que Clément V, de son vrai nom Bertrand de Got avant son élection, le 24 juillet 1305, demeure dans l’Histoire comme l’un des personnages principaux du drame des Templiers. Les premiers éléments architecturaux datent de 1335, et l’édification du monument a été principalement dirigée par Benoît XII (notamment avec la tour des Anges) et Clément VI (avec la salle de la Grande Audience). Après les papes, ce sont les légats et vice-légats qui occupent le palais jusqu’’en 1791. À la suite de la Révolution française, il est transformé en caserne par l’’armée. Inscrit sur la première liste des Monuments historiques de 1840 et sur celle du patrimoine mondial de l’’Unesco en 1995, il figure parmi les dix monuments français les plus visités.

Des techniques médiévales audacieuses

Quand la ville le récupère en 1906, le palais des Papes d’’Avignon est très endommagé. Les différents régiments de l’’armée qui l’’ont occupé ont notamment réduit les volumes intérieurs. Des baies ont été bouchées et la pierre se dégrade en de nombreux endroits. Les parties sommitales des différentes tours sont en partie détruites. La tâche est grande pour les restaurateurs, qui élaborent en 1994 un schéma directeur de consolidation et de restauration du palais. Construite en 1342 par l’’architecte Jean de Louvres, la tour de Trouillas fait partie des neuf tours qui ceignaient alors le bâtiment. Elle est à l’’image de ce dernier une vitrine des techniques de construction de l’’époque. Les pierres armées de fer, que l’’on retrouve pour la première fois à Beauvais l’’année précédente, sont ici utilisées pour la partie sommitale, afin de la consolider et de défendre le palais. « L’’acier et la pierre utilisés pour la stabilité de l’’ouvrage sont la preuve d’’une grande ingéniosité et d’’une véritable modernité de la construction, sans soucis d’’économie », confirme Michel Silvestre, architecte, responsable du service conservation du patrimoine historique de la ville d’’Avignon et maître d’’ouvrage de ce chantier de restauration.

Techniques de restauration

« Ce chantier fait l’’objet d’’un suivi rigoureux des archéologues », note Laurent Defemme, de l’’entreprise Sele. « Avec les archives départementales situées devant les baies, il a fallu créer un sas pour protéger l’’ouvrage et limiter les poussières. » Un calepinage très précis a aussi été réalisé avec une photo de chaque pierre prise par Sele. Cette filiale du groupe Lefevre spécialisée dans la restauration du patrimoine historique est implantée dans le sud de la France. Elle emploie une centaine de compagnons et d’’artisans et compte dans ses références des chantiers pour le musée Toulouse-Lautrec à Albi, le pont du Gard, le palais Longchamp à Marseille ou encore l’’hôtel d’’Assézat à Toulouse. En Avignon, elle a mobilisé un conducteur de travaux, sept tailleurs de pierre, trois maçons, deux maçonnes restauratrices et deux ouvriers professionnels. Pendant que les uns taillent la pierre de Cabéran destinée au parement, d’’autres préparent la chaux qui servira au jointement, au ragréage et à la patine de celles-ci. Enfin, pour les fissures statiques, les restauratrices mettent en œoeuvre toute la délicatesse nécessaire pour rendre leur aspect d’’origine aux pierres de taille.

L’avis de Didier Repellin 

Si le bâtiment a été embelli au fil des siècles, il n’’a été que peu modifié. Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques chargé du chantier, explique : « Cette reconstitution est possible grâce au miracle de l’Histoire. En effet, ce bâtiment est resté étonnamment authentique. Au fil des ans, il a été embelli mais très peu modifié, la disposition étant encore originelle. La majorité des archives d’époque, transférées au Vatican, permet de connaître les caractéristiques originelles de ce palais et de le rénover à l’identique. » Pour retrouver cet aspect d’’origine, la chaux blanche Nathural de Lafarge s’’est révélée fort utile. Sa composition dénuée de ciment, souple et perméable à la vapeur d’’eau, en font un matériau adapté à ce type de chantier. Sa blancheur pure permet de faire ressortir les couleurs des sables sélectionnés et de recréer les teintes précises de chaque pierre restaurée. « Cette chaux hydraulique 100 % naturelle semble presque aérienne, confirme Laurent Defemme. Elle profite en outre d’’un séchage rapide, ce qui peut changer la donne quand le mistral souffle. Et l’on peut quand même la laisser deux jours dans le seau et la réutiliser ensuite. » Après deux ans de travaux, la tour de Trouillas sera livrée mi-2012. Grâce aux créneaux qui auront été recréés au sommet, elle aura gagné six mètres pour culminer à 60 m de haut.

Laurent Perrin

Un chantier en cinq étapes

1. L’’hydrogommage : on procède au décapage de la tour avec cette technique qui permet de préserver le calcin de la pierre. Ce nettoyage doux se fait avec une archifine 7 (granulat tiré des scories de fusion de centrales thermiques et présentant un pH proche du neutre).

2. La refouille des pierres : on remplace certaines pierres très abîmées. Un relevé photogrammétrique au laser permet de réaliser un calepin mensuel avec les pierres à remplacer. Les compagnons taillent alors les pierres à l’’identique puis les posent.

3. Le ragréage : certaines pierres ne pouvant être remplacées, on les recouvre d’’un mortier de parement à base de chaux blanche, un travail minutieux voire artistique. Il faut redoser les constituants (chaux, sable et pigments) à chaque fois pour obtenir la bonne couleur.

4. Le jointement : les compagnons jointoient les pierres, en portant une attention particulière à retrouver l’’aspect d’’époque du joint (teinte, texture…) par des dosages savants. Ici, la chaux blanche Nathural révèle pleinement la couleur des sables utilisés.

5. La patine : lors de cette dernière étape, on enduit les pierres de patine, à base de lait de chaux légèrement pigmenté, pour harmoniser leur aspect et préserver le bâtiment.

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