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Eco-matériaux pour le patrimoine : des exemples significatifs

De véritables éco-matériaux du temps jadis

Depuis les temps les plus reculés, les constructeurs des civilisations qui font aujourd’hui encore notre émerveillement ont bâti à la fois leurs plus beaux monuments et leurs maisons d’’habitation avec des matériaux qui, par définition, étaient on ne peut plus naturels, de véritables éco-matériaux du temps jadis : bois, pierre, terre crue, terre cuite, chaux, pigments minéraux ou végétaux. Tous les spécialistes du monde patrimonial savent évidemment combien ces matériaux sont essentiels dans le cadre de la réalisation de leurs travaux. Mais en plus, en ce début du XXIe siècle, on redécouvre des vertus qui s’’accordent au mieux avec les impératifs tout à fait contemporains liés au concept moderne de « développement durable ». Nous vous en présentons ici quelques exemples probants.

Beauté et tradition de la terre cuite

Dans une habitation, selon l’ADEME, 30% des pertes de chaleur se font par le toit. Or, dans l’habitat ancien, une couverture en tuiles en terre cuite, bien rénovée par un professionnel digne de ce nom et régulièrement entretenue permet de minimiser ces pertes. Garanties 30 ans contre le gel, les tuiles en terre cuite associent aujourd’hui efficacité réglementaire et esthétique patrimoniale. En ce sens, la France est assez exceptionnelle, puisqu’il existe dans notre pays environ 150 modèles différents de tuiles et plus de 200 coloris : c’est dire l’importance des traditions régionalistes.

patrimoineLes spécificités régionales
Les particularités peuvent, dans le détail, varier d’une vallée à l’autre, mais il est cependant possible de dégager de grandes tendances historiques selon les grandes régions du territoire français :

Nord-Pas-de-Calais et Picardie

Tuile plate (à l’ouest de la Picardie) et tuile à emboîtement petit moule partout ailleurs. Les teintes historiques les plus communes sont le rouge sombre et l’amarante.

Ile-de-France et Centre
Tuiles plates traditionnelles (argile rouge, ocres et bruns vieillis, fumées et ardoisées selon les endroits). Tuiles à emboîtement d’aspect plat en Brie et en Beauce.

Normandie
Les premiers vestiges de tuiles normandes remontent au XIe siècle : les moines en ont fabriqué des quantités considérables pour leurs abbayes, leurs églises et leurs granges. Les tuiles plates ont été moulées à la main et cuites au feu de bois jusqu’au XIXe siècle, période à laquelle le développement de l’industrie et du chemin de fer ont permis l’apparition de tuiles mécaniques à emboîtement. Aujourd’hui, les tuiles traditionnelles les plus courantes sont rectangulaires (30 cm de longueur x 1,2 cm d’épaisseur). En Haute-Normandie, tuile plate rose et ocrée. En Basse-Normandie, tuile plate rose et brun, avec des mélanges sur le même toit.

Dans l’Est
Très grande diversité : tuile vernissée multicolore en Bourgogne, tuile plate à écailles ou en queue de castor en Alsace, tuile plate parfois mélangée à la tuile canal en Lorraine….

Auvergne et Limousin
Alors que la lauze est encore utilisée au nord de l’Auvergne, on voit surtout de la tuile canal et à emboîtement au sud de la région.

Rhône-Alpes
Tuile plate en écaille du côté d’Annecy, tuile courbe canal ou fortement galbée à Lyon, tuile à emboîtement faiblement galbée ou à pureau plat vers Grenoble.

Dans le Sud
La tuile canal domine, souvenir de l’empire romain.

03864285La chaux : un succès jamais démenti depuis l’’Antiquité

La chaux est utilisée dans l’acte de construire depuis des temps immémoriaux.

La chaux vive est le produit direct de la combustion du calcaire, principalement de l’ oxyde de calcium (CaO). La chaux aérienne , ou chaux éteinte , est obtenue par la réaction de la chaux vive avec de l’eau. Elle est constituée surtout d’hydroxyde de calcium (Ca(OH) 2 ) et on la dit aérienne car elle réagit avec le CO 2 de l’air.

La chaux hydraulique est constituée en plus de silicate et d’ aluminate car elle provient à l’origine de calcaire moins pur. Elle est désignée hydraulique parce qu’elle durcit en présence d’eau.

Michel Cadot, directeur technique de CESA (Chaux de Saint-Astier), fabricant de chaux hydraulique naturelle, explique : « La chaux est le résultat de la cuisson d’un matériau calcaire. Ce peut être une craie, une marne, du marbre, des coquillages etc….Ce matériau est exogène , c’est à dire n’existant pas à l’origine de la terre. Il s’est créé par sédimentation des squelettes d’animaux lacustres ou d’animalcules vivants dans l’eau de mer. Ce phénomène perdure de nos jours. Le calcaire est presque toujours associé en plus ou moins grande quantité à d’autres éléments, tels que la silice et parfois au fer et à l’alumine : ces trois derniers forment ce que nous appelons l’argile. La silice, le fer et l’alumine sont des matériaux endogènes , donc qui existaient déjà lors de la formation de la terre ».

Les différentes dénominations et classes de la chaux aérienne

La norme NF EN 459 1-2-3 spécifie les règles pour l’évaluation de la conformité des chaux aériennes et définit la procédure du marquage CE. Des dénominations particulières, présentes sur les documents et les emballages, permettent de repérer les caractéristiques du produit :

CL = chaux aérienne calcique

DL = chaux aérienne dolomitique

Le chiffre qui suit décrit la pureté de la chaux, et la lettre en suffixe précise la nature du produit :

– chaux aérienne calcique vive

– chaux aérienne calcique hydratée

– chaux aérienne dolomitique semi-hydratée

– chaux aérienne dolomitique totalement hydratée

CL 90 – Q

CL 90 – S

DL 85 – S1

DL 85 – S2

03864383Développement durable, économies d’énergie et monuments classés

Dans le grand monumental, et d’une façon générale dans les bâtiments classés, la problématique est tout à fait particulière. Pierre-Yves Caillault, Architecte en chef des Monuments historiques, responsable notamment des travaux de restauration de Nancy et de Lunéville, s’est exprimé à ce sujet  :

« Il faut comprendre que les structures traditionnelles, avec leurs murs très épais, sont certes un peu longues à chauffer, mais une fois cette opération réalisée, l’inertie thermique est telle que, finalement, elles sont génératrices d’économies. Il y a cependant une petite difficulté au niveau de ces zones d’interface que sont les menuiseries : là, l’architecte est amené à faire des efforts pour installer des systèmes qui soient à la fois plus performants du point de vue thermique et cependant susceptibles de s’intégrer en harmonie et cohérence dans le bâti ancien, en utilisant des produits traditionnels. Dans les Monuments historiques, on est donc globalement dans l’esprit du développement durable. Bien entendu, il y a des limites à ce que les autorités peuvent exiger : on ne peut pas mettre des panneaux solaires sur les toits des châteaux, a fortiori des cathédrales ! Remarquons bien que notre métier ne consiste pas à balayer d’un revers de manche tout ce qui concerne les réglementations, mais à les accepter et à surmonter les difficultés qu’elles peuvent éventuellement présenter, en proposant des solutions pratiques compatibles avec notre devoir : conserver, restaurer et transmettre les monuments ».

(in Atrium Construction n°30)

 

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