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Sainte-Chapelle :la première verrière est restaurée

Les fidèles lecteurs d’Atrium Construction se souviennent que nous leur avions présenté ce projet de restauration des verrières de la Sainte-Chapelle lors de son lancement. Aujourd’hui, les travaux ont été menés conformément au calendrier prévu, et une première grande verrière, celle dite du « Livre des Juges », vient d’être replacée dans le monument. Le résultat est spectaculaire, et laisse bien présager de l’avenir.

Une coopération réussie
Une cérémonie officielle, à laquelle assistaient notamment Isabelle Lemesle, présidente du Centre
des monuments nationaux, Michel Langrand, président de Velux France et Alain-Charles Perrot, Architecte en chef des Monuments historiques, maître d’œuvre de l’opération, fut organisée à cette occasion. Le généreux mécénat des Fondations Velux, qui se monte ici à 5 millions d’euros, soit la moitié de la totalité du budget nécessaire, est tout à l’honneur de cette grande entreprise spécialisée dans les fenêtres de toit, leader dans son secteur. Michel Langrand explique : « Par cet investissement significatif, les Fondations Velux espèrent contribuer à protéger ce monument historique unique au niveau européen. Cette lumière, si belle et si surprenante, cette architecture si audacieuse et si remarquable sont le message de beauté et d’ingéniosité laissé par des générations d’architectes, d’artisans et de visionnaires, et notre volonté est de lui permettre de traverser intacte les siècles à venir. » L’implication de Velux est logique, l’entreprise ayant pour cœur de métier la valorisation de la lumière à travers de permanentes innovations techniques adaptées à l’architecture. En tant que maître d’ouvrage, le CMN ne peut que s’en réjouir et, aux dires de sa présidente, ce projet ouvre une voie où l’on « espère inaugurer ainsi une longue série d’opérations partenariales pour la conservation du patrimoine prestigieux dont l’État lui a confié la responsabilité ».

Les étapes techniques
C’est l’atelier Vitrail France, implanté au Mans, qui a la lourde responsabilité de mener à bien ces patientes et complexes restaurations. Après dépose des panneaux et élimination d’un vernis gras qui embuait les surfaces, opération effectuée à l’aide d’un éclairage infrarouge et de procédés informatiques afin de respecter les contours de la grisaille d’origine, on procède au moulage : la face extérieure du panneau est posée à froid sur une couche de poudre fine qui retiendra son empreinte, sur laquelle on posera le verre de doublage qui, chauffé, s’appliquera sur les irrégularités de la surface de la verrière et les reproduira lors du processus de refroidissement. Après examen et datation de chaque élément des motifs, les maîtres verriers nettoient, recollent, retouchent et, éventuellement, restituent les parties peintes complètement disparues. Il s’agit, là, d’un travail plus classique de restauration de vitraux.

Les verrières de doublage
Pour protéger au mieux ces précieuses œuvres médiévales, les spécialistes ont opté pour la mise en place d’un système de verrières de doublage : une seconde verrière est posée en avant de la verrière ancienne, créant ainsi une circulation de l’air intérieur de l’édifice entre les deux parois vitrées afin que la condensation se produise sur la face interne du doublage. Alain-Charles Perrot précise : « Pour préserver les verres anciens, il est souhaitable de mettre à l’extérieur des verrières de doublage, mais ces doublages neufs masquent les réseaux des ferrures, les barlotières et les ouvrages de serrurerie qui furent réalisés au xiiie siècle, et d’une qualité remarquable. Après maintes réflexions, nous avons décidé de conserver visibles de l’extérieur les serrureries d’origine, et de placer sur celles-ci des verres de doublage modernes. Les verres anciens sont reportés vers l’intérieur et maintenus dans des structures certes neuves, mais identiques aux structures originales. » Notons que cette solution technique a été validée à l’issue d’un débat de la Commission supérieure des Monuments historiques.
La remise en place de toutes les verrières de la Sainte-Chapelle sera achevée en 2013. 

S. V.

La Sainte-Chapelle : des chiffres
Hauteur de l’édifice sans la flèche : 42,50 m
Hauteur de la flèche
(restitution de Lassus) : 34 m
Longueur de la nef : 33 m
Hauteur sous voûte : 20,5 m
Surface vitrée : 750 m2
Verrières : 15 (datant du xiiie siècle,
dont 4 grandes de 15,35 m de hauteur)
Panneaux figurés : 1 113
(dont les deux tiers en verre d’origine)

Le planning budgétaire
En 2008 a été lancé le projet architectural de la restauration des verrières de saint Jean l’Évangéliste et l’enfance du Christ, du Livre d’Isaïe et du Livre des Juges, et les restaurations elles-mêmes ont commencé. Parallèlement, on a réalisé l’étude préalable à la restauration de la grande statue de l’archange saint Michel, qui domine la Sainte-Chapelle. Cette première étape a été budgétée à 2 millions d’euros. La deuxième phase, couvrant l’année 2009, comprend la restauration et la remise en place de l’archange, le lancement de la restauration de la verrière du Livre des Juges, qui est achevée ce mois-ci, ainsi que le projet technique pour le Livre de Josué, le Livre des Nombres, l’Exode et la Genèse. Le budget de cette phase s’élève à 2 millions d’euros également. Cette année, en 2010, on a lancé les travaux sur le Livre des Nombres et le Livre de Josué, pour 3 millions d’euros. En 2011, on se penchera sur le cas de l’Exode, pour 1,5 million d’euros, puis, enfin, en 2012, la verrière de la Genèse sera elle aussi restaurée, pour 1,5 million d’euros. Tout sera fini en 2013. Le budget total s’élève donc à 10 millions d’euros, financés à hauteur de 50% par les Fondations Velux.

Sauvé grâce à Victor Hugo !
Au xixe siècle, époque à laquelle les intellectuels et le public français commencent à s’intéresser enfin sérieusement au patrimoine et à se rendre compte des incroyables ravages perpétrés par les folies révolutionnaires, la Sainte-Chapelle était dans un état assez pitoyable : sa flèche avait été abattue, les nombreuses sculptures avaient été vandalisées ou carrément brisées, le beau mobilier avait été dispersé aux quatre vents, et les vitraux avaient subi de nombreux dommages. Certaines parties étaient même cassées. Ce fut Victor Hugo, immense écrivain et farouche défenseur de l’art médiéval – comme tout le mouvement romantique français et anglais – qui s’en émut. Il s’aboucha avec Jean-Baptiste Lassus, alors jeune architecte, et tous deux firent campagne pour la restauration du monument, dès 1835. L’affaire fut couronnée de succès : un grand chantier s’entama, piloté par les architectes Lassus, Duban et Boeswillwald, supervisés par Viollet-le-Duc. Les travaux durèrent trente ans et sont encore aujourd’hui considérés comme « un symbole de l’histoire de la restauration monumentale de notre pays », selon les termes du CMN.

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